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Sortie en DVD / Blu-ray | 6 septembre 2017 (@Anime) |
Synopsis
C'est dans un petit coin de nature qu'une coccinelle, qui se surnomme elle-même « l'enfant du Soleil », chantonne une ode à la nature verdoyante du printemps. Dans ce même lieu, se trouve un certain Monsieur araignée. Ce dernier, titillé par la faim, propose au coléoptère tacheté de se reposer sur son « hamac », qui n'est autre qu'un piège délétère : une toile tissée minutieusement. La coccinelle cédera-t-elle au caprice de l'araignée ?
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Commentaires
Dès 1926, l’expansionnisme japonais, initié par l'annexion de la Corée en 1910, est de plus en plus important. A tel point qu'en 1931, une vaste partie Nord-Est de la Chine est envahie par les troupes nippones, c'est ce qu'on nomme l'invasion de la Mandchourie. Dès lors, le nationalisme est de rigueur pour tous les médias et pour toute la sphère cinématographique, notamment dans le domaine de l'animation, à l'époque peu développé.
C'est dans cette optique, que Yasuji Murata entreprend de tirer avantage d'une légende folklorique japonaise intitulée "Momotaro" (Garçon-pêche), mêlée à un fond patriotique, le personnage principal ayant pour but la protection de l'archipel par l'armée aérienne. Il s'agit du court-métrage Sora no Momotaro. Momotaro sera, par la suite, très utilisé pour la propagande, devenant même la représentation emblématique majeure de l'endoctrinement du Japon. Lors de cette même période, sort, en 1933, le premier film parlant de l'histoire de l'animation du pays : Chikara to onna no yo na naka, réalisé par Kenzo Masaoka, son disciple Mitsuyo Seo (Momotaro, le divin soldat de la mer) participe ici en tant qu'animateur.
En pleine seconde guerre sino-japonaise (1937-1945), le 1er octobre 1939, l'Empire légifère le domaine cinématographique. La conscience nationale doit être de mise, entrainant une forte restriction de libertés et d'autonomie pour les réalisateurs et auteurs. Kenzo Masaoka et Mitsuto Seo, l'exemple de la relation parfaite entre le maître et l'élève cités plus haut, décident de choisir des chemins différents. Alors que Seo embrasse la réalisation de films de propagande, dépendant du Ministère des Armées, Masaoka suit plutôt la carrière du Ministère de l'Éducation en répondant à plusieurs de leurs commandes à la fois éducatives et patriotiques.
Tandis que Seo déroge à son statut de réalisateur militariste, en acceptant une commande du Ministère de l'Éducation nationale, qui n'est autre qu'Ari-Chan (l'équivalent de La cigale et la fourmi de Silly Symphonies, tant par l'histoire que par le graphisme ou les moyens techniques employés), Masaoka calquera un tantinet son ancien disciple, en entreprenant, en 1942, la réalisation de l'un de ses plus populaires chefs-d’œuvre : L'Araignée et la Tulipe.
L'Araignée et la Tulipe est un court-métrage d'animation en noir et blanc d'une durée de 15 minutes, adaptant une histoire originale de l'écrivaine Michiko Yokoyama. Cette œuvre est assez exceptionnelle pour l'époque, tout simplement puisqu'elle est, graphiquement parlant, supérieure aux créations japonaises et inspirée des productions américaines souvent musicales du moment, c'est-à-dire l'univers d'un certain Walt Disney. Cette finesse en terme d'animation est due à l’application d'une caméra de multiplans, et à l'utilisation pour l'entièreté du film de celluloïds (rares - en cette période où le Japon et les États-Unis sont en guerre suite au conflit de Pearl Harbor deux ans plus tôt - car ces feuilles sont exclusivement importées d'Occident).
Aussi, le film n'est pas soumis à la bonne volonté du gouvernement, de ce fait il ne fait aucunement l'éloge du nationalisme expansionniste du pays du Soleil-Levant (De plus, le système de censure japonais n'existant pas encore, et le scénario ayant eu l'approbation de l’État, le studio Shochiku n'est pas dans l’illégalité). Aucun symbole belliqueux ou message patriotique n'est présent au sein du métrage, bien qu'il soit dépendant du Ministère de l'Éducation. D'ailleurs, ce dernier, accompagné du Ministère de la Culture et même des Sciences, dénoncent la grande prise d'autonomie de celui que l'on nommera bientôt le « Disney japonais », et, surtout, ils dénoncent l'absence de propagande du film. Néanmoins, il n'est pas difficile de penser que l'araignée, dont le visage ressemble à celui d'un Afro-Américain, pourrait être la personnification de l'ennemi qu'est l'Amérique. Pour autant, cette représentation n'est pas une ouverture à l'apologie du racisme, de la xénophobie... Masaoka ne faisant qu'exploiter l'image occidentale péjorative reliée à l'araignée. La mignonne coccinelle, quant à elle, qui ressemble à un petit enfant, serait la projection animale du peuple japonais, soit un être tout à fait pur. Le bien (Japon) et le mal (USA) s'opposent et prônent ainsi une vision manichéenne !
La sortie DVD, éditée par @nime en septembre 2017 en France, n'a pas comme tête de proue L'Araignée et la Tulipe (qui, étrangement dispose d'un titre anglais pour son édition DVD : The Spider and the Tulip), ce dernier n'étant qualifié que de bonus. Le point central du DVD est Momotaro, le Divin soldat de la mer (1945), qui était projeté dans une version restaurée au Festival de Cannes de 2016. Mais alors, pourquoi allier le premier long-métrage d'animation japonais prônant la propagande, avec un simple court-métrage dont l'objectif n'est que le loisir ? Tout simplement car pendant très longtemps, les deux œuvres étaient considérées comme perdues. Il aura fallu attendre 1984 pour retrouver, dans un entrepôt de Shochiku, un négatif du film de Seo, adjoint à celui de Masaoka. Voilà pourquoi l'éditeur français nous a proposé ces deux œuvres conjointement en 2017 (année de la célébration des cent ans de l'animation japonaise).
Nota Bene : Pour l'anecdote, notons que L'Araignée et la Tulipe a quelque peu influencé certains grands noms du manga : Leiji Matsumoto (Albator, Galaxy Express 999…), Osamu Tezuka (Le Roi Léo, Black Jack…)…
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