The Ostrich Politic / La Politique de l'Autruche

Fiche technique
Nom originalThe Ostrich Politic
OrigineFrance
Année de production2018
ProductionGobelins Paris, Cube Creative, The Council, Rubika
Durée7 minutes
RéalisationMohammad HouHou
ProductionJustin Jégat, Laodice Kolk
Production de l'animationMoïra Marguin
ScénariiMohammad HouHou
Story-boardsMohammad HouHou
AnimationMohammad HouHou, Pratik Purkayastha, Hachem Reslan, Callum Nolan, Laetitia Teodorescu, ...
Effets SpéciauxMohammad HouHou
Direction du sonCédric Denooz, Laurent Fousher mixage
DécorsMohammad HouHou, Laetitia Teodorescu
MontageVéronique Goupil son
Direction photographieMohammad HouHou
HabillageChristophe Burdet bruitage
MusiquesAmandine Robillard, Anna Cordonnier
CoordinationJuliette Marchand
 
» Staff étendu
Diffusions
1ère diffusion hertzienne2019 (Arte - Court-circuit version originale anglaise sous-titrée)
Synopsis

Dans un monde où se sont les autruches qui dominent sur toutes les autres espèces, même l'homme, il est une conviction que les oiseaux de grande taille partagent au point d'en ériger des statues. Celle-ci est plus que primordial à leurs yeux car en effet il s'agit de regarder le monde avec des œillères, comportement considéré comme instinctif et donc normal par les oiseaux eux-mêmes. Ainsi, sans prendre en compte le véritable aspect de la réalité qui les entoure, on laisse le progrès (technique ou économique) se développer au sein de la société, sans aucune conscience de ses répercussions puisque l'on se refuse à les voir.

Toutefois, cette certitude érigée telle une croyance sur laquelle s’appuie la coopération et la bonne entente de millions d’individus est remise en cause par les travaux d'un phylogénéticien, le docteur Kays. Il démontre que les autruches n'ont jamais caché leur tête dans quel que trou que ce soit, que c'est un mythe et que malgré une certaine paix en ayant découlé, il faut abandonner un tel comportement qui a façonné l'identité même des autruches. Ces dernières supportent mal ce changement de vision de la vie et c'est ainsi que le chaos émerge de cette situation et s'installe dans le monde. Lors d'une réunion du gouvernement, le docteur Smith met en accusation les travaux de son collègue et il est de suite voté le retour du mythe. Les autruches retrouvent alors leurs oeillères pour mieux voir...

Commentaires

Si la poésie est le chemin vers la vérité, on nous a menti et vous le savez.

Ce court-métrage d'animation est un objet filmique que l'on peut considérer comme une oeuvre « coup de poing » si l'on se laisse vraiment porter par la réflexion de ce qu'il expose. Son sujet est tellement saisissant qu'il met notre perception de la réalité à rude épreuve, d'autan plus avec une clairvoyance orwellienne telle qu'elle devrait être une évidence qui, hélas, ne l'est pourtant pas. Il rappelle ainsi quelques autres objets artistiques dont le propos est tout aussi puissant telle la bande dessinée Garduno, en temps de paix de Philippe Squarzoni qui obtint en 2003 le prix du scénario au Festival de la BD d'Angoulême : Squarzoni y brosse un portrait au vitriol et c'est peu dire des méfaits de la mondialisation ultra-libérale, un peu à la manière d'un Gérard Manset qui déchirerait le papier peint sur le mur du monde pour voir se qui se cache derrière le visible, sous la surface de la réalité, celle que l'enfant peut percevoir encore, et celle que Don Quichotte recouvrait de ses délires.

Ce film de fin d'étude a entièrement été réalisé en 2018 par Mohammad HouHou, artiste français d'origine libanaise et diplômé de l’École de l’image Gobelins, à Paris. S'il utilise ici la technique de la 3D avec laquelle il a aussi travaillé sur le clip vidéo du titre Decent (2023) du rappeur américano-soudanais Bas (feat. Amaarae) où il maitrise couleurs, textures, atmosphères et silhouettes dans une douce et chaleureuse ambiance sous la codirection de Danaé Gosset, il est également très à l'aise sur le compositing d'une cinématique du célèbre jeu vidéo League of Legends où la forme et les mouvements puisent quelque peu dans la vitalité de l'animation japonaise.

Ce film de Mohammad Houhou repose volontairement et en connaissance de cause sur la fausse affirmation que les autruches cachent leur tête dans un trou (dans le sable ou le sol), idée qui a donné naissance il y a quelques siècles à l'expression « faire l’autruche », celle-ci désignant les personnes se refusant à voir la réalité en face. Au fil des années, cette image et ce qu'elle exprime a nourri l'imaginaire, et certains artistes s'en sont même amusés et l'ont repris dans leurs oeuvres (notamment dans de nombreux cartoons dont on voit justement un extrait dans La Politique de l'Autruche du court-métrage I Love a Parade réalisé en 1932 par Rudolf Ising pour les premiers Merrie Melody). Evidemment, il n'en est rien : les autruches n'ont jamais mis, par peur ou autre sentiment, leur tête dans un trou. L'erreur vient des premières observations de ces grands oiseaux faites il y a quelques siècles par des explorateurs trop éloignés de l'animal pour voir avec exactitude ce qu'il faisait de sa tête. En fait, bien que ses grandes jambes et son long cou lui permettent de voir très loin, l'oiseau pose parfois tout simplement sa tête sur le sol et, ses gros yeux grands ouverts, il scrute également les environs de cette manière pour voir si quelque danger s'approche comme ses principaux prédateurs que sont les guépards, léopards, hyènes, chacals et lions. Pour se faire toute petite et s'effacer du paysage, l'autruche peut également s'étendre sur le sol en allongeant son cou et en gardant toujours les yeux grands ouverts.

Comme il s'en est expliqué, Mohammad HouHou a voulu s'interroger sur la trajectoire de cette fausse information qui a traversé les époques et qui implique un questionnement sur toute autre information donnant forme à la réalité des choses qui nous entoure : cela concernant nos croyances dans la religion mais aussi dans notre éthique et moralité, et de même dans notre univers sociétal. En fait, ce questionnement est là pour remettre en cause les vérités qui nous sont acquises depuis notre naissance, sans pour autant les rejeter, mais seulement les bousculer un peu pour voir si elles tiennent bien sur leur piédestal. C'est un peu comme douter en permanence, mais cette permanence permettrait de toucher justement au plus proche de la vérité, peut-être...

Alors évidemment, le sujet de ce film n'est pas l'autruche mais l'humain qui lui aussi adopte en quelque sorte ce mythe de la tête cachée dans un trou. Le court-métrage montre ainsi à quel point nous tentons de nous empêcher de voir la réalité en face, particulièrement en se noyant dans le travail, mais aussi dans divers évènements de nos vies, et cela depuis plus particulièrement le 20ème siècle qui a vu nos sociétés modernes se transformer avec les progrès techniques et scientifiques en une sorte de créature qui regarde en elle-même sans toutefois se voir telle qu'elle est. Ce même siècle (et le suivant) qui n'a cessé de fournir à ses populations toujours plus de divertissements : cinéma, musiques, spectacles, littérature, télévision et tout ce qui touche encore au travers des arts à l'imaginaire, jusqu'à la création d'Internet qui permet encore plus puissamment de mettre sa tête en dehors de la réalité, même si Internet fait aussi partie de cette réalité.

Ajoutons que le système économique actuel sur lequel reposent toutes les structures de nos sociétés est un système fort récent (pas plus de deux siècles car il est né en quelque sorte avec l'industrialisation) et que nous l'utilisons en pensant qu'il peut perdurer pendant des siècles et des siècles alors qu'il est peut-être déjà au bout de son cheminement, surtout si nous n'y apportons pas quelques changements drastiques et de fait si nous n'enlevons pas nos œillères.

Le court-métrage de Mohammad HouHou suggère ainsi, à un certain degrés, que tous les problèmes que l'humanité rencontre actuellement sont nés des divers progrès technologiques et scientifiques et de l'industrialisation de la société, et ce sans qu'il n'y ait jamais eu aucune volonté de voir pour chaque invention créée les conséquences que cela peut impliquer pour le vivant et l'environnement. En fait, c'est tout le système du progrès qui n'a jamais été remis en question et que l'humanité regarde avec dévotion et donc avec des œillères, tout en s'inquiétant certes fortement des changements environnementaux ou climatiques, mais tout en continuant à utiliser sans vergogne ce qui provoque ces changements, c'est à dire tout ce que nous utilisons dans la vie comme les moyens de transports, les téléphones portables ou encore tout ce qui touche à Internet et bien plus.

Notons tout de même que malgré la gravité du propos et certaines références (comme la catastrophe des Twin Towers), il y a de légères notes d'humour comme celles émises involontairement par le docteur Smith dans la seconde moitié du métrage ou celle de cette autruche qui cherche à tous prix à mettre sa tête dans un trou... De même, le choix du nom du président Oswald semble reposer sur la signification de ce dernier, Oswald étant d'origine germanique et ayant pour sens celui qui gouverne. A ce égard, Mohammad HouHou évoque également dans ce court-métrage la corruption politique (soulignant celle de son pays d'origine) et selon ses propos (dans Court-circuit sur Arte) il s'inspire également de ses sentiments et émotions nés de la première fois où il a utilisé le métro à Paris, constatant avec étonnement que les gens en un si petit espace étaient aussi proches physiquement tout en étant isolés entre eux. Il utilse aussi des images d'archives telle celle du discours de Nurenberg par Hilter pour souligner la soumission des masses, et cette soumission actuelle passe notamment par des flux ininterrompues d'informations dans les médias...

Ce film, le tout premier de Mohammad HouHou alors étudiant, a été sélectionné et récompensé dans plusieurs festivals de cinéma, dont le Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, le Festival international du film d'animation d'Annecy et le LA Shorts Fest où il a remporté sa qualification aux Oscars pour la « Meilleure animation ». Il a également été finaliste aux Student Academy Awards et aux BAFTA Student Film Awards pour le « Meilleur film étudiant » en 2019.

Auteur : Captain Jack
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The Ostrich Politic © Gobelins Paris, Cube Creative, The Council, Rubika
Fiche publiée le 01 septembre 2024 - Lue 1353 fois